L’actualité du mois de décembre a été particulièrement mouvementée sur le sujet de l’interdiction des ventes en ligne à la suite de deux décisions prononcées par l’Autorité de la Concurrence en la matière, l’une en date 11 décembre 2023[1] concernant la société Mariage Frère, l’autre en date du 19 décembre 2023[2] concernant la société Rolex.
À cette occasion, l’Autorité transmet un message clair concernant sa politique visant à sanctionner les restrictions apportées aux ventes en ligne.
Le secteur du luxe sous l’attention de l’Autorité
Les deux décisions portent sur deux secteurs des produits haut de gamme dans leur marché respectif, à savoir le thé haut de gamme pour Mariage Frères et les montres de luxe pour Rolex. A travers ses enquêtes détaillées, l’Autorité relève que chacun de ces marchés ont connu une forte croissance des ventes en ligne, et que les potentiels de développement sont importants à ce titre pour les distributeurs.
Les produits de luxe ne sont pas épargnés par le sujet des ententes verticales fondées sur l’interdiction des ventes en ligne. En résumé, le canal de vente en ligne, désormais largement équivalent au canal de ventes physiques dans la plupart des situations, ne devrait pas être empêché de manière absolue sur la base de l’objectif visant à préserver l’image de luxe des produits vendus.
De lourdes condamnations
Mariage Frères est condamnée par l’Autorité de la concurrence à une sanction de 4 millions d’euros pour avoir entravé, durant près de 15 ans, la liberté commerciale de ses distributeurs en leur interdisant, d’une part, de vendre en ligne les produits de sa marque, et, d’autre part, de revendre ses produits à d’autres revendeurs.
Rolex est quant à elle condamnée à une amende colossale de 91 millions d’euros pour cette seule pratique compte tenu du montant des ventes réalisées et de la durée d’au moins 10 ans de l’interdiction.
CGV ou contrats : peu importe
L’une des spécificités de l’interdiction des ventes en ligne chez Mariage Frères était que les clauses d’interdiction étaient stipulées dans les CGV communiquées aux distributeurs. Or, ces CGV constituaient l’unique fondement des relations contractuelles de Mariage Frères avec ses distributeurs. La simple mention d’une interdiction de vente en ligne au sein des CGV est donc un indice suffisant en cas de contrôle pour entrainer d’éventuelles poursuites.
Site vitrine : c’est tout ?
Le fabriquant de montres avait mis en place dans le cadre de la stratégie numérique de ses distributeurs, un « e-corner » visant à « augmenter leur visibilité sur leur site internet, sans pour autant autoriser les ventes en ligne ». Cela amène l’Autorité à considérer que ces sites présentés comme des vitrines commerciales des produits Rolex qui ne permettent pas de procéder à l’achat des produits exposés compte tenu de l’interdiction faite par Rolex constituent un frein au développement pour les distributeurs.
Il ne suffit ainsi pas de permettre aux distributeurs de disposer d’un site vitrine.
Quelles conséquences pour les réseaux ?
Ces décisions rappellent la nécessité pour les réseaux de penser avec attention les dispositions de leur corpus contractuel relatif à la vente en ligne.
Si l’interdiction absolue est prohibée, des aménagements peuvent être apportés contractuellement afin de veiller – dans la mesure du possible – à une harmonisation de la stratégie de vente en ligne au niveau de l’ensemble du réseau.
[1] Décision n° 23-D-12 du 11 décembre 2023 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des thés de luxe
[2] Décision n° 23-D-13 du 19 décembre 2023 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la distribution de montres de luxe