Nullité pour absence de savoir-faire : savoir-faire or not, that is the question (Cour d’appel de Chambéry, 3 octobre 2023, 21/00142)

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Avocats, Conseils en réseaux
12/12/2023

Par un arrêt très motivé du 3 octobre 2023, la Cour d’appel de Chambéry prononce la nullité d’un contrat de franchise en matière de promotion immobilière, en raison notamment de l’absence de savoir-faire. L’occasion d’examiner ce qui constitue, ou non, cet élément crucial du contrat de franchise dans le secteur de la promotion immobilière.

En 2015, un franchisé, n’ayant aucune connaissance en matière de promotion immobilière, signe deux contrats de franchise avec un promoteur immobilier portant sur deux territoires différents.

Deux ans plus tard le franchisé n’ayant toujours pas réussi à monter un programme immobilier, il décide de cesser de régler les redevances et notifie au franchiseur son intention de mettre fin aux contrats.

Par décision du 11 janvier 2021, le Tribunal de Commerce d’Annecy prononce la nullité des contrats de franchise sur le fondement de l’erreur, du dol et de l’absence de cause.

Le franchiseur interjette appel.

Outre la question de l’information précontractuelle dont a bénéficié le franchisé avant de s’engager, et de la rentabilité des franchises, les Juges de la Cour d’appel de Chambéry ont dû s’interroger sur la transmission d’un savoir-faire propre au franchiseur, et rappellent à cette occasion que « le savoir-faire doit permettre [au franchisé] d’acquérir un avantage concurrentiel : c’est toute la finalité du contrat de franchise et la raison pour laquelle le franchisé accepte de supporter un certain nombre d’obligations financières ».

Avant d’apprécier le savoir-faire transmis en l’espèce, les Juges rappellent que la Cour de cassation définit le savoir-faire « comme un ensemble d’informations pratiques non brevetées, résultant de l’expérience du franchiseur et testées par celui-ci, ensemble qui est secret, substantiel et identifié » (Com 8 juin 2015, n°15-22.318), ne pouvant « se résumer aux règles de l’art, au mode d’emploi d’une machine ou d’un logiciel, ou à un agrégat d’informations aisément accessibles et largement connues ».

Aux termes des contrats de franchise, le franchiseur affirmait avoir « mis au point un concept et un savoir-faire originaux, spécifiques et substantiels, identifiés et secrets, d’accompagnement de personnes désireuses de devenir promoteur immobilier ».

Pour autant, les Juges considèrent que le franchiseur ne démontre pas avoir communiqué au franchisé les instruments nécessaires pour lui permettre de réaliser des opérations de promotion, considérant que le franchiseur n’avait « pas développé un savoir-faire spécifique tel qu’il puisse être reproductible dans d’autres régions françaises ».

Surtout, la Cour d’appel relève que le franchisé a « manqué à son obligation de délivrer à son franchisé une méthode autre que celle suivie par n’importe quel promoteur normalement avisé, même si les conseils donnés sont pertinents et de bon sens ».

Donner des conseils ne suffit pas, encore faut-il établir que ceux-ci constituent un réel savoir-faire.

Cet arrêt est donc l’occasion de rappeler que le savoir-faire n’est pas constitué par un ensemble d’informations et/ou recommandations générales nécessaires pour exploiter une activité dans un secteur donné mais doit contenir des conseils, techniques et méthodes permettant de procurer au franchisé avantage concurrentiel déterminant.

Qu’en est-il concrètement du savoir-faire du franchiseur dans l’activité de promotion immobilière ?

C’est ainsi que dans le secteur de la promotion immobilière, le rappel de la règlementation et des étapes pour constituer un dossier foncier, bien qu’étant un indispensable, ne pourrait être constitutif d’un savoir-faire.

Plus particulièrement, la Cour d’appel relève :

– qu’alors qu’il est incité sur la nécessité de le faire « définir un territoire en fonction des besoins en logement social », aucune méthode n’est proposée sinon de « trouver une ou trois villes de prédilection afin de réitérer un programme immobilier par an » ;

– que les recommandations données pour connaître le territoire sont bien trop vagues pour permettre à un futur promoteur d’être opérationnel, et notamment « aucune coordonnée d’agent immobilier ou d’apporteur d’affaires sur le secteur donné en franchise avec laquelle le franchiseur aurait eu des contacts fructueux n’est donnée » ;

– la formation de huit jours portant sur « la conception de programme de promotion, la construction, la gestion financière, la connaissance du métier des principaux intervenants à l’acte de contruire » était très générale et n’était pas susceptible de faire bénéficier le franchisé d’un avantage concurrentiel déterminant ;

– le témoignage d’un ex-franchisé cité dans l’arrêt révèle que « la revente de logements en bloc à des bailleurs n’est pas une invention, ni un concept, ni un savoir-faire mais une pratique courante des promoteurs dont [le franchiseur] s’est inspiré chez ses concurrents ».

En somme, un savoir-faire qui ne casse pas de briques…

Par conséquent, la Cour d’appel confirme la nullité des contrats de franchise « faute de transmission d’un savoir-faire spécifique et d’une méthode permettant la construction de logement à un prix inférieur au marché existant dans le [territoire local] ».

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12/12/2023
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