Responsabilité du franchiseur historique et du nouveau franchiseur en cas d’acquisition d’un réseau de franchise : quelques précisions

Linkea
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Avocats, Conseils en réseaux
11/02/2025

Augmentation du nombre de points de vente, meilleur maillage territorial, conditions d’approvisionnement plus favorables, amélioration de la visibilité, opportunité d’intégration d’un réseau concurrent… de nombreuses raisons peuvent amener un franchiseur à décider de reprendre un autre réseau de franchise.

C’est tout l’enjeu de ce type d’opérations : parvenir à intégrer les franchisés du réseau cible dans le respect des stipulations de leurs contrats de franchise.

Plusieurs cas de figure existent :

  • Le réseau acquéreur peut proposer aux franchisés du réseau cible de passer sous son enseigne en restant franchisé.
  • Le réseau acquéreur peut décider de faire perdurer le réseau cible en maintenant le mode d’organisation en place.
  • Le réseau acquéreur peut opter pour un rachat des franchisés du réseau cible.

Afin de clarifier la situation en amont, il est recommandé d’anticiper et de prévoir les conséquences du rachat du réseau par un tiers dans les contrats de franchise, dès leur signature.

Il est par exemple possible de conclure avec les franchisés du réseau, en parallèle du contrat de franchise, une promesse unilatérale de vente permettant au franchiseur de racheter leur fonds de commerce à un prix dont la méthode de calcul est fixée à l’avance.

Les franchisés ont ainsi l’opportunité de valoriser leur entreprise lors de la reprise du réseau, et de passer à une nouvelle aventure.

Si une telle promesse unilatérale de vente n’est pas prévue ou si un tel rachat n’est pas souhaité, le réseau acquéreur devra en principe obtenir l’accord des franchisés du réseau cible pour que ces derniers convertissent leur point de vente sous son enseigne.

A défaut, le réseau acquéreur devra faire perdurer le réseau acquis, en respectant les obligations incombant au franchiseur (assistance, formations ponctuelles, campagnes de communication, mise à jour du savoir-faire…).

La saga judiciaire du rachat du réseau PIZZA SPRINT par l’enseigne DOMINO’S PIZZA en janvier 2016 constitue un exemple particulièrement intéressant de cette thématique.

Dans cette affaire marquée par plusieurs décisions de justice, plusieurs clauses du contrat de franchise PIZZA SPRINT avaient été considérées comme entachées de déséquilibre significatif à la suite d’une action du Ministre de l’Economie.

Les franchisés du réseau PIZZA SPRINT avaient alors d’abord tenté de se prévaloir de la nullité de ces clauses pour obtenir l’annulation de leur contrat de franchise. En vain toutefois (CA Paris, 8 février 2023, n°20/04558, 20/04557, 20/01712, 20/04561,20/01748, 20/01691, 20/01706, 20/01756, 20/06545).

Pour autant, le franchiseur avait été condamné pour avoir délaissé le réseau PIZZA SPRINT après son rachat par l’enseigne DOMINO’S PIZZA. En particulier, étaient reprochés au franchiseur l’absence d’actualisation de son savoir-faire, le manquement à son obligation de formation et d’assistance sur les méthodes commerciales et marketing des nouveaux produits, et la dégradation de la notoriété du réseau.

Condamnation pour partie étendue à la société DOMINO’S PIZZA FRANCE, devenue holding du réseau après l’acquisition des titres de la société franchiseur du réseau PIZZA SPRINT en janvier 2016, à qui il a été reproché d’avoir « contribué » aux manquements du franchiseur PIZZA SPRINT.

Dans un arrêt rendu le 14 novembre 2024, la Cour de cassation confirme cette « contribution » aux manquements du franchiseur, laquelle résulte notamment :

  • De l’indication par la société DOMINO’S PIZZA FRANCE dans sa documentation financière du premier semestre 2017 que la fin de la conversion du réseau PIZZA SPRINT sous enseigne DOMINO’S PIZZA était attendue à la fin de l’année fiscale 2017.
  • De la précision au sein du rapport de gestion au président 2018 de la société DOMINO’S PIZZA FRANCE qu’elle prévoyait de continuer la conversion des points de vente PIZZA SPRINT sous enseigne DOMINO’S PIZZA.
  • Du rapport du commissaire aux comptes sur les comptes 2018 de la société DOMINO’S PIZZA FRANCE dont il ressort que la majeure partie des activités du franchiseur et de la centrale d’achat du réseau PIZZA SPRINT avait été transférée à la société DOMINO’S PIZZA FRANCE après le rachat du réseau.

Autant d’indices de ce que la stratégie de développement de la société DOMINO’S PIZZA FRANCE était de faire disparaître le réseau PIZZA SPRINT.

Ce alors que les quelques franchisés, qui avaient refusé de convertir leur point de vente sous enseigne DOMINO’S PIZZA, devaient pouvoir bénéficier des services du réseau PIZZA SPRINT jusqu’à la cessation de leur contrat de franchise.

Il importe de préciser que cette responsabilité de la holding acquéreur est seulement extracontractuelle. De sorte qu’elle ne saurait être condamnée à l’exécution de stipulations prévues aux contrats de franchise litigieux.

Dans cette affaire, la société DOMINO’S PIZZA FRANCE a ainsi été condamnée – in solidum avec la société franchiseur du réseau – à verser aux franchisés PIZZA SPRINT des dommages et intérêts pour préjudice moral et perte de valeur de leurs fonds de commerce.

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11/02/2025