Le litige concernait une maison de Champagne et une personne experte du secteur avec laquelle un contrat de mandat avait été conclu en 1990. Cette dernière était chargée de vendre, au nom et pour le compte du producteur, des vins de Champagne de la marque dans le département des Bouches-du-Rhône.
En 2014, le mandant mettait fin au contrat de mandat soutenant que cette résiliation serait imputable aux fautes graves de son mandataire.
Schéma classique : le mandataire contestait cette résiliation et réclamait une réparation de son préjudice auprès du Tribunal de commerce de Marseille, notamment une indemnité compensatrice de clientèle en principe due au terme du contrat d’agent commercial. Les juges de première instance faisaient droit à ses demandes, lui accordant une somme de 2.372.625 euros au titre de l’indemnité compensatrice de clientèle, et 474.525,07 euros au titre de l’indemnité de préavis.
Après pas moins deux décisions d’appel et une décision de Cour de cassation en date du 31 mars 2021 tranchant définitivement la question de la compétence, l’affaire était finalement renvoyée devant la Cour d’appel de Paris.
Au soutien de sa défense, le mandant remettait en cause la qualification de contrat d’agent commercial, et avançait l’existence de diverses fautes graves justifiant la rupture des relations contractuelles. In fine, les différents montants d’indemnités et commissions octroyés au mandataire étaient également contestés.
Qualification : Simple contrat de mandat ou contrat d’agent commercial ?
Le contrat initialement conclu entre les parties était intitulé « Contrat de mandat ». Toutefois, les juges du fond ne sont pas tenus par la qualification donnée par les parties, mais doivent analyser les clauses du contrat pour déterminer la réelle nature de la relation contractuelle.
En l’espèce, la Cour d’appel est venue relever que le mandataire démontrait avoir participé au développement des ventes de bouteilles dans la région, lesquelles étaient passées de 57.500 en 1997 à 176.254 bouteilles en 2013, et qu’il n’était pas contestable qu’il agissait en qualité d’agent. Ainsi, au regard de l’ensemble des éléments fournis, les juges ont conclu qu’il ressortait clairement des conditions effectives d’exercice du mandat une mission de représentation et de négociation relevant du statut de l’agence commercial.
Faute grave : Analyse du comportement des parties
Afin de justifier la rupture du contrat la liant à son mandataire, le mandant mettait en avant diverses fautes de l’agent : usage d’un ton méprisant, manque de loyauté, ou ne pas avoir respecté les consignes et sa politique commerciale.
L’agent commercial opposait de son côté avoir toujours travaillé dans l’intérêt de l’entreprise et respecté ses obligations contractuelles, indiquant que le début des crispations datait de l’arrivée d’un nouveau directeur des ventes chez le mandant en 2013.
Dès lors, selon les magistrats, ce n’est pas le comportement de l’agent commercial qui est incriminé mais bien les prises de décisions de la société mandante.
Détermination de l’indemnité
Le Code de commerce ne prévoit pas les modalités de détermination de l’indemnité due par le mandant à son agent commercial.
Eu égard à l’ancienneté de la relation et au secteur en cause, il est intéressant de se pencher sur les critères retenus par les juges.
En l’espèce, les juges semblent suivre une jurisprudence assez établie, et octroient une indemnité compensatrice de clientèle s’élevant à 24 mois de commissions (soit 1.898.100 €), en tenant compte de la durée importante de la relation (25 ans), et de « l’important travail de prospection accompli au cours du mandat ayant permis de multiplier par quatre le chiffre d’affaires initial ».
Ils réduisent par là même le montant accordé par les premiers juges, compte tenu de la réorientation rapide de l’agent sur d’autres marques de Champagne et l’absence de clause non-concurrence en cas de cessation du contrat à l’initiative du mondant.